« Accoucher sans péridurale : c’est possible ! » Olivia
Avant d’être enceinte, j’avais entendu furtivement parler de femmes souhaitant accoucher sans péridurale. « Mais quelle idée saugrenue ! » pensais-je. « Pourquoi vouloir souffrir plus que nécessaire ?! Sont-elles maso ? Parce que l’accouchement , même avec péridurale, ça n’a pas l’air non plus d’une partie de plaisir.. »
Et puis.. je suis tombée enceinte.
Lors de mon rendez-vous prénatal, j’ai écouté attentivement la sage-femme m’expliquer les différents types de préparation proposés à la maternité. La préparation classique ou la méthode Bonapace. Bona…quoi ?! Une méthode de préparation à la naissance physiologique, naturelle, sans péridurale donc. Basée sur l’implication mutuelle des deux partenaires du couple et reposant sur le rôle de la neurophysiologie et des hormones lors de l’enfantement. Et cela grâce à des techniques de respiration, de yoga, de relaxation, de postures, de massages, de points d’acupression et de préparation psychologique. Méditante depuis un an, ça me parle. Serais-je devenue maso ? J’en discute avec mon conjoint qui m’encourage : oui, la méthode Bonapace me ressemble. Mais les places sont peu nombreuses pour cette préparation, et j’hésite quand même : Suis-je bien certaine de vouloir de cet accouchement là ? En suis-je réellement capable ?
Le doute étant présent, je choisis d’opter pour la préparation classique… tout en achetant le livre de la méthode Bonapace : Accoucher sans stress avec la méthode Bonapace, Julie Bonapace, Les éditions de l’Homme.
Pendant les quelques mois qui suivent, je potasse régulièrement le bouquin en impliquant mon conjoint. Une fois en congé maternité, je m’y mets vraiment et l’utilise comme une étudiante : je surligne les passages importants, marque les pages qui me paraissent indispensables pour le jour J. Mes hésitations concernant la péridurale s’évanouissent en même temps que chute mon taux de plaquettes. Celui-ci étant trop bas, je n’aurai pas la possibilité d’avoir la péridurale, sauf si je prends des corticoïdes à forte dose jusqu’à l’accouchement pour le faire remonter. Je refuse car malgré les médicaments, je risque d’être à un taux limite d’où un risque plus grand de saignement (et qui dit saignement à ce niveau de la moelle dit aussi potentiellement paralysie).
Ça y est, je me sens maintenant prête à accoucher sans péridurale. Je m’y suis préparée.
J’attends alors le jour J avec impatience et sérénité. Mes cours de yoga prénatal m’aident aussi à me mettre dans cette posture mentale de confiance. Confiance en moi, en mon bébé, en l’équipe médicale qui m’accompagnera.
Des contractions régulières mais non douloureuses font leur apparition un soir et ne me quittent plus pendant plusieurs jours. Elles deviennent rapprochées – mais toujours pas douloureuses ! – au cours d’un soirée, et vont perdurer plusieurs soirs consécutifs.
Jusqu’à ce matin du 29 août où, vers 5h du matin, je les ressens plus que de coutume. A 7h, je m’assieds dans mon lit et sens du liquide couler. Je réveille mon conjoint : « Chéri, il va falloir aller à la mater’, je perds les eaux ! ». Mais en allant aux toilettes, je constate du sang. J’ai peur, je blêmis. J’appelle la maternité qui me dit que c’est normal : mon col bouge, se dilate enfin ! On me conseille d’attendre à la maison que les contractions se renforcent mais après discussion avec une amie sage-femme, je pars à la maternité pour me faire examiner car j’ai perdu un peu trop de sang à ce qui est attendu. Me voilà donc en plein examen du col à 9h. Bingo, j’ai bien fait de venir ! La poche est fissurée, d’où ce surplus de sang car il était mélangé à du liquide amniotique. Mon col est quant à lui dilaté à « 2 doigt très serrés ». Il n’en faut pas plus : je reste ici. Ça y est, la rencontre approche !! Je pars en chambre de pré-travail avec mon conjoint et nous attendons que le travail se déclenche.
Nous attendons, attendons.
Nous marchons dans le couloir, dehors; je fais des tours dans le parc et des postures de yoga. Rien ne change, les contractions restent faibles. A ce moment là, je me dis intérieurement que « je gère », « je n’ai pas mal », « tout va bien ».
Je pense, à tort, que mes contractions non douloureuses sont efficaces. A 21h, RAS. Le changement d’équipe s’est fait et je découvre avec joie la sage-femme qui m’avait examinée quelques semaines plus tôt et avec qui le feeling était très bien passé. Je suis ravie, et encore plus en confiance.
Lors d’un massage du dos que me fait mon conjoint pendant une contraction, j’entends un « poc » de l’intérieur. Je sens du liquide s’écouler : pas de doute, cette fois c’est la bonne, la poche des eaux est bel et bien rompue !! La sage-femme vient le constater et m’explique que les contractions vont maintenant s’accélérer et s’intensifier, et me propose de l’appeler quand « je n’en pourrai plus » afin qu’elle me réexamine.
Effectivement, les contractions qui suivent n’ont rien à voir. Je ne peux plus parler quand celles-ci arrivent. Je me penche sur le gros ballon, compte sur 4 temps d’inspiration et 8 temps d’expiration tandis que mon conjoint appuie sur les différents points d’acupression repérés auparavant. Rapidement, les contractions gagnent encore en intensité tandis que mes temps de récupération diminuent. J’ai du mal à compter dans ma tête. Je me concentre maintenant sur mes doigts, les ouvre et les ferme pour simuler les temps d’inspiration/expiration. Mon conjoint appuie sur les points d’acupression situés sur mon sacrum et cela me soulage énormément, en plus de favoriser la descente du bébé. Vers minuit et demi, je lui demande d’appeler la sage-femme. En effet, depuis quelques minutes, mes contractions me donnent envie de pousser…
La sage-femme arrive à m’examiner rapidement entre 2 contractions : je suis à plus de 6 cm de dilatation, elle nous propose de passer en salle d’accouchement. Je quitte alors la position quatre pattes penchée sur le ballon quelques minutes, le temps de marcher jusqu’à cette salle, salle qui accueillera mon bébé d’ici quelques minutes…ou quelques heures.
Le décor a changé mais je reprends ma position fétiche. La seule chose qui change c’est que désormais, j’hurle pendant les contractions. Je ne me reconnais pas, je ne suis pas du tout du genre « crieuse ». Mais là, c’est viscéral. Je pousse, je crie. Tout simplement parce que je n’arrive plus à me concentrer sur ma respiration, et que l’utilisation de ma voix me permet d’accompagner mon expiration. Je monte à un moment sur la table pour que la sage-femme me réexamine. Elle nous accompagne pendant quelque temps, mais le bébé a du mal à descendre et fait le yoyo. Elle finit par nous laisser seuls, en famille, en me demandant d’essayer de ne pas pousser à chaque contraction mais de laisser faire mon bébé. C’est tellement difficile, l’envie de pousser est irrépressible. Je tente de suivre son conseil à chaque début de contraction, mais très vite l’envie de pousser reprend le dessus. Je suis à 4 pattes, sur la table, penchée vers l’avant, mon conjoint à ma droite. Il me tend le masque de protoxyde d’azote (dit « gaz hilarant », utilisé pour les anesthésies d’enfant notamment) pendant les contractions. Je n’y trouve aucun intérêt sur le moment, mais je réaliserai plus tard que cela m’aidait surtout à récupérer entre deux contractions car cela m’endormait presque ! Le temps passe et mon bébé n’est toujours pas là…
Je finis par lui parler, mentalement, comme je le faisais pendant ma grossesse. Je lui dis de m’aider, de descendre, que je suis prête, qu’on est tous prêts, qu’elle peut venir. Je ne sais si ça a été le déclic, mais quelques minutes plus tard je disais à mon conjoint « je crois qu’elle est descendue, appelle la sage-femme ». Il n’eut même pas le temps, le timing était parfait, car quelques secondes plus tard celle-ci revenait et appelait ses collègues : ça y est, ma petite fille arrivait !
La poussée a duré au moins une heure mais je n’en ai qu’un très bref souvenir. L’échéance était si proche. J’étais accompagnée par toute une équipe, je poussais parfois fort, parfois doucement. C’était moins intense que tout à l’heure, lors du passage dans le bassin. A un moment donné, la sage-femme a pris ma main pour me faire sentir les cheveux de ma petite fille. J’ai continué à pousser en suivant les indications de l’équipe. Je me souviens que la sage-femme m’a dit à la fin : « venez attraper votre fille ». J’ai tendu mes mains, je l’ai saisie et l’ai posée sur moi.
Waouh.
J’étais Maman.
Je venais de mettre au monde mon enfant.
Je me rappelle m’être dit intérieurement « oh mais elle est lourde ! Et grande ! » (eh oui, 3,650kg pour 53 cm tout de même !). Elle a pleuré, et je répétais quant à moi « c’est mon bébé ». Je n’y croyais pas. J’ai fait rire l’équipe en commentant mon étonnement de ne pas pleurer, alors que je pleurais à chaque fois dans l’émission télé baby boom. Ils m’ont ensuite tous félicitée; le gynécologue a recousu mes deux petites déchirures superficielles et a procédé à la délivrance. Je n’ai rien senti. J’étais anesthésiée par le Bonheur, ce bonheur de fin de marathon, ce bonheur de victoire, ce bonheur d’être Maman pour la toute première fois.
Le lendemain – cad les heures qui ont suivi car Capucine est née à 4h40 – je me suis sentie exténuée comme jamais. Comme si j’avais parcouru la Terre entière en 24h. Mais je suis très satisfaite de mon accouchement, qui s’est déroulé comme je l’espérais. Je sais que j’y suis arrivée grâce à ma préparation, et surtout à ma posture mentale. A chaque moment de doute, je me répétais ce que j’avais lu dans le livre de la méthode Bonapace : « toutes les femmes y arrivent, on sait accoucher depuis la nuit des temps quelle que soit la civilisation, alors tu vas y arriver toi aussi ».
Je suis très reconnaissante envers mon conjoint, qui a su m’épauler et prendre une part très active dans la naissance de notre enfant, et envers la sage-femme qui nous a guidés pendant des heures avec bienveillance, patience et bonne humeur. Et bien sûr, merci la Vie pour ce si beau cadeau !
NDLR :
En ce qui concerne la méthode Bonapace, elle est basée sur les 3 mécanismes non pharmacologiques qui soulagent la douleur pendant le travail et l’accouchement :
- la stimulation non douloureuse de la zone douloureuse, à exécuter pendant et entre les contractions : massages légers, bains, douches, yoga, compresses d’eau chaude ou froide, marche… En effet, les fibres non douloureuses bloquent dans la moelle une partie des fibres qui transmettent le message de la douleur.
- La stimulation douloureuse d’un autre site, à pratiquer pendant toute la durée de la contraction : points d’acupression, acupuncture, massages douloureux. Cela parasite le cerveau qui se concentre sur la douleur la plus récente et permet la sécrétion accrue d’endorphines qui vont tenter de « noyer la douleur ».
- Le contrôle du système nerveux central par la pensée et le mental, à pratiquer pendant et entre les contractions : respiration, relaxation, imagerie mentale, aromathérapie, musique, soutien…
Cet article a été rédigé par Olivia, notre partenaire orthophoniste à Nantes.
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